Nanopore, technologie de rupture
Le 12 décembre 2016, Oxford Nanopore a annoncé avoir levé 126 Mega USD en s’appuyant largement sur un fond d’investissement chinois. La société, spécialisée dans le séquençage de 3ème génération est aujourd’hui valorisée à hauteur de 1,25 milliard de livres. Cette technologie qui s’est laissée désirer serait elle sur le point de révolutionner les applications du séquençage haut-débit ?
En effet, la promesse de décentralisation du séquençage portée par le MinION est séduisante (un séquenceur légèrement plus grand qu’une clé usb a permis de séquencer Ebola en Guinée). Evidemment, à grand renfort de communication dont nous nous faisons d’ailleurs souvent écho, Oxford Nanopore Technologies (ONT) entretient le désir pour créer une attente motivant les levées de fonds, ces mêmes fonds qui permettront de développer les forces de ventes nécessaires au déploiement de la technologie. ONT affiche d’ores et déjà une centaine de publications scientifiques. Pour répondre à l’épineuse question « est ce que ONT est une technologie de rupture (disruptive innovation)? », on fait appel au modèle de Clayton Christensen.
Christensen a développé sa théorie en s’intéressant à plusieurs industries et notamment au secteur de la santé. Selon lui, l’innovation de rupture est un agent de transformation d’une industrie, et elle repose sur trois leviers :
- Un développement de la technologie et du savoir en général du domaine qui deviennent de plus en plus accessibles
- De nouveaux modèles économiques
- Un nouveau réseau de valeur
Ainsi que tente de le montrer le graphe ci-dessus, au départ, une innovation en rupture est moins performante que ce qui peut exister sur le marché. Ceci est vrai jusqu’à ce qu’elle progresse pour, au final, redéfinir le marché (l’exemple de l’appareil photo numérique est pas si mauvais puisque l’on comprend qu’il fait sonner le glas de la pellicule argentique aujourd’hui devenu un marché de niche).
Selon beaucoup d’observateurs, le marché du séquençage va être profondément changé par l’amélioration de la technologie que propose ONT. Ainsi tel que le prévoit le modèle de Christensen, ONT va toucher des « consommateurs » qui n’ont aujourd’hui même pas connaissance du principe même du séquençage haut-débit. Pensons qu’aujourd’hui des botanistes échantillonnent à l’aide du MinION, des espèces végétales en Amazonie pour les séquencer afin de formellement identifier de nouvelles espèces.
Donc au départ une technologie disruptive possède des performances dégradées par rapport à la concurrence… puis les améliorations successives permettent d’amorcer un franchissement exponentiel des lignes (rouges sur le schéma ci-dessus). Ces lignes sont liées aux applications, elles-mêmes fonction des performances attendues par les divers segments de marché.
Le 17 Octobre 2016 avec l’arrivée de la chimie 9.4 qui délivre ~ 10 Gb de débit avec une précision de 92% sur lecture 1D, et une précision de 99% + chez (certains) clients sur les lectures 2D (97% Sur leur site Web), il semble qu’ONT ait amorcé son exponentielle ascension. Ces améliorations remarquables de performance (accroissement du débit par un facteur de 40 au cours des 2 dernières années) ont permis à la technologie d’atteindre un point d’inflexion et peuvent maintenant satisfaire les attentes liées aux applications « bas de gamme » (les maladies infectieuses, l’analyse de microbiome, l’assemblage de novo, l’assemblage de petit génomes, et même les applications cliniques à moyen terme). Au 30 septembre 2016, la société dénombrait environ 3 000 unités sur le terrain pour plus de 2 200 clients. Sur la base des développements au cours des 2 derniers mois, nous prévoyons que ce nombre augmentera rapidement en 2017, car la société et la technologie (PromethION – environ une douzaine ont été expédiés à ce jour) continueront sur leur lancée.
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