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Image associéeJens Harder, avec ce premier tome, Alpha… directions, propose un patchwork iconographique en bichromie supportant des visions des origines de l’Univers, de la Terre et de la Vie sur cette dernière. L’originalité de son approche iconophile, réside dans la ré-allocation de notre corpus humain artistique et scientifique sur fond d’Histoire Universelle. Son parti pris consiste à faire graviter toute chose autour de la place de l’Homme dans l’Univers. Un anthropomorphisme assumé qui tient justement au fait que c’est la convocation d’œuvres humaines invitant Magritte, Albrecht Dürer, la célèbre photographie de Watson et Crick (celle qui entérine l’oubli de Rosalind Franklin qui a eu le mauvais goût de décéder avant l’obtention du Prix Nobel…), Hokusai, Jurassic Park, Goya, Georges Méliès, les religions mono et polythéistes, les hiéroglyphes, des objets de sciences à figurer comme autant de totems pour nous guider ou nous laisser aller à nos divagations sur la recherche des origines.

Ce parti pris peut être critiquable du point de vue scientifique. L’angle scientifique n’est certainement pas le bon pour entrer dans cette œuvre extrêmement graphique et légère en mots, bien que ceux-ci soient judicieusement choisis. Ceci permet d’ailleurs de dire que l’objet que constitue ce livre tient plus de l’essai graphique caméléon à la fois scientifique, métaphysique (on pourrait oser pataphysique), ésotérique que de la bande dessinée faisant œuvre de vulgarisation ou de pédagogie. On est assez loin d’Il était une fois… la Vie! Quoi qu’il en soit, c’est ce parti pris, l’absence d’explications linéaires et souvent lénifiantes remplacées par la présence de ces vignettes, de ces images qui hantent notre culture humaine qui font que l’entreprise m’apparaît réussie. Evidemment, au passage, tout à chacun apprendra des éléments que l’on peut qualifier de scientifiques sur la cosmogonie par exemple.

 » Comme Alice, le lecteur voyage dans mes images. Cela n’a rien de scientifique. » assénait Harder en février 2014, comme s’il voulait garder son indépendance artistique face à l’Histoire, la Science qui proposent des théories pouvant être contradictoires, datées… Etre Alice, consiste ici à passer sans transition de réalité à fiction, de rêve à réalité.

Les juxtapositions graphiques sont  une invitation à prendre un trajet oblique, à la réflexion. Finalement le lecteur entre et divague plus qu’il ne comprend, il flâne dans une machine à voyager dans le temps devenue folle. Pour entrer dans cette œuvre, il faut savoir oublier son étiquette pour se laisser aller à un voyage, cet abandon promet un voyage goûtu et saugrenu dès lors que l’on adhère au style graphique d’Harder.

Cofondateur du collectif d’artiste Monogatari en 1999, Jens Harder se distingue par des œuvres ambitieuses, souvent avares en mots, mêlant cosmologie et histoire de l’humanité. Il a obtenu les Prix Max et Moritz de la meilleure bande dessinée allemande en 2004 et 2010 et le Prix de l’audace du festival d’Angoulême 2010. Ses œuvres sont publiées en français par les Éditions Actes Sud – l’An 2.

Jens Harder  s’attache à interpréter 14 milliards d’années, en à peine plus de 350 pages. Alpha…directions tente de montrer les débuts de l’univers, depuis le Big Bang jusqu’à l’apparition des premiers hominidés. Alpha…directions est le premier livre d’une trilogie en quatre volumes (et oui ! c’est amusant les triptyques en quatre parties) composant Le Grand Récit.

Ci-dessous, la couverture : peut-être la partie la moins bien interprétée du récital…

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A chaque ère son code couleur… : (ci-dessous) Michael Ange et l’évocation biblique de la création peuvent côtoyer Magritte, les pas de l’Homme sur le satellite de sa planète, et une vignette tout droit sortie du traité d’alchimie Aurora consurgens… Ce traité d’alchimie est considéré comme l’expression visuelle du mythe de la Renaissance avec la redécouverte du savoir antique. Ce traité intègre  37 aquarelles miniatures comme autant de vignettes  ayant pour intention, la transmission de ce savoir, perçu comme d’origine divine, sous forme de pictogrammes hiéroglyphiques. Cette démarche graphique permet d’échapper aux déformations de l’interprétation humaine et verbale. C’est peut-être la référence qui permet de toucher l’intention de Jens Harder: le graphisme pour s’affranchir du langage verbal.

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(ci-dessous) là encore, une icône : Dolly, associée à la fantasmagorie que porte la découverte de l’ADN support de l’hérédité, porteur des cicatrices de l’évolution et joujou pour biotechniciens.

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(ci-dessous) De l’ADN dans une cellule de paléobactéries… l’adaptation permise par la loterie des mutations provoquant des avantages sélectifs. Les heureux gagnants verront leur patrimoine génétique évoluer, les autres deviendront des culs-de-sac de l’évolution. En fonction des grandes ères, la vie se répand, disparaît quasiment, repart de plus belle… le saut dans les ères comme si vous aviez pris les montagnes russes de la diversité biologique.

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Bien évidemment l’ombre du grand Charles (Darwin, pas celui que tout bon candidat à une élection présidentielle française invoque), plane sur l’ouvrage, comme un point (ou un doigt) d’honneur face à l’opposition néo-obscurantiste cherchant à faire oublier que l’Homme est à la fois animal, poète, peintre, puissant et misérable…

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« La culture… ce qui a fait de l’homme autre chose qu’un accident de l’univers. »
André Malraux

 

ALPHA… DIRECTIONS
par Jens Harder

Traduit de l’allemand par Stéphanie Lux
352 pages en bichromie – format 19,5 x 30,5 cm
Pour adolescents et adultes
ISBN : 978-2-7427-8102-7

PVP : 39,50 €

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Afficher l'image d'origineVoici le fruit d’un bien joli projet : aborder, à portée d’enfants (à partir de 8 ans), l’essentiel de la microbiologie sous forme de propos scientifiques recueillis et « montés » par Florence Pinaud accompagné des illustrations de Stéphane Kiehl. En 88 pages -la moitié des pages étant dévolue aux illustrations-, ce livre tout carré, la guerre secrète des microbes, permet d’initier nos chères têtes plus ou moins blondes (parfois leurs chers parents), aux secrets qui nous habitent tous: de quoi les microbes sont ils le nom ? Les curieux trouveront des éléments relatifs à la vaccination, aux stratégies de défense mises en place par notre système immunitaire ou encore la raison pour laquelle une fourmi folle est irrépressiblement attirée par le fait d’aller grimper en haut d’un brin d’herbe afin qu’elle puisse plus aisément être ingérée par une vache saine d’esprit…

Assez brièvement, à l’aide d’un champ lexical martial, les sujets tiennent en haleine les chérubins avides de savoir. Les illustrations, quant à elles, ne sont pas à proprement parler pédagogiques mais artistiques frôlant parfois l’abstraction. Elles ne font pas simplement écho à ce qui est abordé textuellement mais elles livrent une belle poésie picturale et interprètent à elles seules le propos scientifique -le transcendent, oserait on dire ! Facultatives donc essentielles ! Très franchement, il est rare de trouver un livre aussi bien produit conciliant un propos adapté (certains appellent cela de la vulgarisation…) tout en étant exigeant, et cerise sur le gâteau, accompagné d’illustrations n’ayant pas pour objectif d’aider à la compréhension mais plutôt à nourrir un imaginaire motivant pour la compréhension de la phénoménologie d’un monde invisible peuplé de microbes, virus et autres parasites.

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Journaliste dans les secteurs économiques et sociaux, Florence Pinaud a concilié les sujets très sérieux et quelques joyeuses incursions dans la presse jeunesse. Journaliste à La Tribune, elle travaille également pour Espace social européen et anime un blog sur les animaux. Auteur d’ouvrages documentaires et pratiques (Manager la génération Y, 2011, éditions Dunod), elle a publié en 2012 chez Actes Sud Junior Respecter les animaux à petits pas, La mode sous toutes les coutures, C’est mathématique !, A l’école des espions et La guerre secrète des microbes.

Bertrand Jordan a eu son doctorat en physique nucléaire à 1965 et a très bien fait de se convertir à la biologie moléculaire. Entre autres choses, il a réalisé en 1982 l’isolement du premier gène d’histocompatibilité humain, et en 2000, il a fondé la Génopole de Marseille. Bertrand Jordan est membre de l’Organisation européenne de biologie moléculaire (EMBO) ainsi que de l’organisation internationale HUGO (Human Genome Organisation).

Mais surtout, et c’est ce qui nous intéresse ici, l’auteur de plus de 150 publications scientifiques fait œuvre de vulgarisation et offre depuis plus de dix ans, des chroniques génomiques publiées au sein de la revue Médecine / Sciences. Ces chroniques sont accessibles gratuitement (vous pouvez y accéder directement sur le site de www.medecinesciences.org ou en cliquant sur l’image ci dessus en haut à gauche).

On peut vous conseiller de lire le point de vue de Bertrand Jordan sur les séquenceurs haut-débit dans sa chronique de mars 2010 intitulée : le boom des séquenceurs nouvelle génération, sans oublier le point de vue partagé (parfois longtemps après lui) par un nombre croissant de chercheurs sur les GWAS, dans sa chronique de mai 2009 : le déclin de l’empire des GWAS. C’est là tout l’intérêt de ces chroniques qui, bénéficiant d’un propos clair, simple, construit, argumenté et rare, permettent de prendre un peu de recul sur les applications d’une science qui n’ont pas toujours tenu leurs promesses. Ces chroniques peuvent être l’occasion de faire tomber le masque, de dégonfler l’air de ces vessies qui se prennent parfois pour des lanternes.

Bertrand Jordan, chroniqueur mais aussi auteur de quelques livres aux titres évocateurs, parfois mémorablement provocateurs :

Voyage autour du Génome : le tour du monde en 80 labos. Editions Inserm/John Libbey, Paris, 1993

Voyage au pays des gènes. Editions. Les Belles Lettres/ Inserm, Paris, 1995

Génétique et génome, la fin de l’innocence. Editions Flammarion, Paris, 1996

Les imposteurs de la génétique. Editions du Seuil, Paris, 2000 (Prix Roberval Grand Public 2000)

Le chant d’amour des concombres de mer. Editions du Seuil, Paris, 2002

Les marchands de clones. Editions du Seuil, Paris, 2003

Chroniques d’une séquence annoncée. Editions EDK, Paris, 2003

Le clonage, fantasmes et réalité. Essentiel Milan, Editions Milan, 2004

Thérapie génique : espoir ou illusion ? Editions Odile Jacob, Paris, 2007

L’humanité au pluriel : la génétique et les questions de race. Le Seuil, collection Sciences ouvertes, Paris, 2008

Autisme, le gène introuvable : Le Seuil, Paris, 2012

Derrière le pseudonyme de Jack London (1876-1916) se cache un écrivain autodidacte, à la jeunesse vagabonde, qui a fait fortune en écrivant des livres avec une nature sauvage pour décor et personnage principal. L’écrivain, après avoir été balayeur de jardins publics, menuisier, agriculteur, éleveur de poulets, chasseur de phoques, pilleur d’huîtres, patrouilleur maritime, blanchisseur, chercheur d’or – seul Bukowski, depuis, a pratiqué plus de « jobs » différents – est passé à la postérité pour ses romans d’aventures, pour ses romans faisant la description d’une nature en voie de domestication et pour ses romans aux héros canidés : Croc Blanc, Le Fils du loup, Le loup des mers, Mikaël-chien de cirque et Jerry-chiens des îles.

La peste écarlate est une nouvelle d’anticipation (parue en 1912) assez méconnue. Elle ouvre sur une Terre dévastée et revenue à l’état sauvage suite à une pandémie qui a ravagé l’écrasante majorité de l’espèce humaine en 2013.

L’action se déroule 60 ans après cette apocalypse, le narrateur est un homme âgé en haillons qui a connu l’avant : la civilisation, la culture… et qui tâche de conter cet avant à des jeunes hommes redevenus préhistoriques (l’écriture, la lecture ont été oubliées, en une génération, seules diffusent les techniques et le savoir nécessaires à la survie).

Jack London réussit en une soixantaine de pages à poser les bases de ce qu’un nombre incroyables de récits post-apocalyptiques a pu produire comme usines à fantasmes et peurs millénaristes :  de Ravage de Barjavel (1943) à la Route de  Cormac Mc Carthy (2006), de MadMax de George Miller (1979) à 28 jours plus tard de Danny Boyle (2002). Jack London exploite bien évidemment la peur de la fin des temps humains. Cette fin du livre est provoquée par un micro-organisme qui engendre une mort aussi rapide que théâtralisée. Face au mal microbien les scientifiques sont inefficients et ne peuvent éviter l’apocalypse. Fort de ses thèmes de prédilection l’auteur qui aime les chiens, Marx et Nietzsche, propose une description de ce à quoi ressemblerait l’Homme sans civilisation, condamné à chercher sa nourriture… et à reconstruire ce qu’il a perdu. Entre Arche de Noé et Radeau de la Méduse, la vision de London parait moderne, certains diraient, un peu rapidement, prophétique parce que notre humanité a connu depuis ces écrits deux Guerres Mondiales, deux catastrophes nucléaires majeures, un tsunami et le VIH… Jack London ne traite pas réellement d’apocalypse mais du comportement d’une Humanité qui doit se rebâtir après un passage par la barbarie et d’une nouvelle lutte contre la nature. Finalement ce roman nous rappelle au cycle de la civilisation humaine : naissance – développement – apogée (les souvenirs de la jeunesse du narrateur de la peste écarlate) – chaos (le 2013  du livre, date de la pandémie) – ténèbres (le 2073, année où se déroule l’action du livre) – renaissance.

L’édition BABEL, outre une traduction remarquable, propose une postface de Michel Tournier (rédigée en 1992) qui est des plus remarquables (« l’Absolu est un voyage sans retour« ).

Pierre Barthélémy, journaliste scientifique au monde, a publié hier sur son blog (passeurdesciences.blog.lemonde.fr) une interview de Etienne Danchin (directeur de recherche CNRS et directeur de l’EDB) qui nous parle de la nécessité  de s’extraire du dogme du « tout-génétique » pour s’intéresser plus précisément à d’autres mécanismes qui régissent l’hérédité, tel que l’épigénétique, l’hérédité culturelle  et environnementale.

Vous pouvez retrouver l’interview dans son intégralité ici :

http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2012/01/31/la-theorie-de-levolution-doit-faire-sa-revolution/

Cette interview fait suite à la publication d’une synthèse sur l’hérédité non génétique et son rôle dans l’évolution parue dans Nature Reviews Genetics en Juillet 2011 que vous pouvez consulter en intégralité ici.

Etienne Danchin n’est pas le seul à s’interroger sur la part réelle de la génétique dans les mécanismes de l’hérédité, nous vous conseillons une nouvelle fois l’excellente émission de Jean Claude Ameisen (à écouter dans ce post) qui aborde ces aspects de la transmission génétique et   non génétique, entre générations.

Principales voies transmises de génération en génération (Nature Reviews Genetics 12, 475-486 (July 2011))

L’hérédité culturelle est une composante en général peu discutée (notamment dans le domaine animal):  quelle est la part de variation phénotypique qui peut être expliquée par une transmission sociale (ou transmission par apprentissage)? A noter que le rôle de la composante culturelle dans l’hérédité a été formalisé dans les années 1970, ça ne date donc pas d’hier, mais comme toutes les composantes non génétiques impliquées dans l’hérédité elle s’est retrouvée minimisée, voire ignorée, au profit de la composante génétique.

Quoi qu’il en soit, à l’heure de l’arrivée de la 3eme génération de séquenceur haut-débit et de la génération toujours plus astronomique de données génomiques,  il est toujours bon de rappeler que le seul transfert de gènes n’explique qu’une proportion des mécanismes étudiés.

Pierre Barthélémy, journaliste scientifique à publié hier sur son blog (passeurdesciences.blog.lemonde.fr) une interview de Etienne Danchin (directeur de recherche CNRS) qui nous parle de la nécéssité de sortir du dogme du « tout-génétique » pour s’intérésser plus précisement à d’autre mécanisme qui régisse l’hériédité, l’épigénétique, l’hérédité génétique et environementale.

Vous pouvez retrouver l’interview dans son intégralité ici :

http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2012/01/31/la-theorie-de-levolution-doit-faire-sa-revolution/

Cet interview est le résultats d’une synthèse sur l’hérédité non génétique et son rôle dans l’évolution publié dans Nature Reviews Genetics en Juillet 2011 que vous pouvez consulter en intégralité ici.

Etienne Danchin n’est pas le seul à s’intéroger sur la place réelle de la génétique dans les mécanisme de l’hérédité, nous vous conseillons une nouvelle fois l’excellente émission de Jean Claude Ameisen (à écouter dans ce post).

Voici la période de Noël… comme tout le monde, vous avez un cousin un peu pénible à qui vous devrez faire un cadeau… il est probable que ce gars devienne un vrai type bien après avoir lu le bouquin que je vais évoquer ici (rien que ça !). Un livre illustré par Charb… le créateur de « Maurice & Patapon », drôle & crado… un gars héritier de Chomsky, un autre gars drôle et intelligent qui rendra votre cousin plus… sympa après trois verres de vodka.

Ce livre permet de gagner en esprit critique (et ainsi d’être plus pertinent face à un article scientifique mais surtout plus éveillé dans sa vie de citoyen face à un journal de 20h, par exemple). Ce petit cours (humblement nommé) écrit par un militant libertaire, professeur en sciences de l’éducation semble motivé par un regret formulé par Noam Chomsky :  «Si nous avions un vrai système d’éducation, on y donnerait des cours d’autodéfense intellectuelle».  Normand Baillargeon, semble faire sienne la phrase fétiche partagée par Bourdieu et Castoriadis « vivre libre ou se reposer », il nous incite à faire preuve d’une grande vigilance et d’une rigueur froide (par froide s’entend dépassionnée) dans l’analyse d’une information. Le professeur en sciences de l’éducation continue son propos en tâchant de donner des moyens pour être critique, un minimum de connaissances (probabilités simples, statistiques…) suffisent à organiser une opinion. Si pour Bourdieu la sociologie est un sport de combat, pour Baillargeon la meilleure autodéfense réside dans l’éveil des consciences que l’on souhaite voir dormir.

 

L’auteur nous livre quelques exemples bien sentis, le tout rédigé dans une langue très claire, peu ampoulée… accessible à tous (même ceux qui ont le plus de diplômes et qui sont donc formatés par le système, ce même système qui a oublié l’enseignement de l’esprit critique dans nos chères écoles). Normand Baillargeon apporte la preuve que l’on peut être intelligent, humaniste, militant tout en étant humble…  L’esprit critique pour tous : vous pourrez trouver en guise d’amuse bouche un pdf de ce petit cours en usant du lien que vous êtes en train de lire… bon appétit.

Les scientifiques seraient ils des parangons de vertu ? Comment et pourquoi les imposteurs travestissent la vérité en la parfumant de sciences et de techno-science ? C’est à ces questions que répond clairement Michel de Pracontal dans un ouvrage (ici ré-édité) publié, pour la première fois, il y a plus de 20 ans. Dans sa version de 2001, en quelques 332 pages le journaliste scientifique oeuvrant pour le Nouvel Observateur et Mediapart (son blog est totalement recommandable) réalise un manuel de référence pour tout zététicien qui se respecte. Certes, ce manuel abordant Rika Zaraï, l’astrologie, l’homéopathie, l’affaire Baltimore, les oeuvres de moult scientifiques peu vertueux inventeurs de données frelatées tel un Cyril Burt, d’ imposteurs en herbe et de gourous scientistes avides, est parsemé d’humour grinçant, sardonique mais il est avant tout, même avec quelques maladresses, une ode à l’esprit critique utile à tous. Le livre est structuré en manuel avec un exercice en fin de chapitre permettant d’aiguiser son esprit critique et de se détacher de l’autorité scientifique qui va de soi… Les cas abordés sont pléthoriques, couvrent tout le spectre de l’escroquerie intellectuelle et scientifique… le lecteur peut être troublé ou amusé de voir mis sur le même plan l’astrologue et le physicien peu scrupuleux. Or l’origine de la fraude et la manière dont elle est crédibilisée ne sont pas les mêmes… le profane peut s’y perdre un peu.

Voici le quatrième de couverture : « Plus de 50 % des Français croient à la transmission de pensée et à la guérison par magnétiseur, près de la moitié fait confiance à l’astrologie, 35 % aux rêves prémonitoires. De l’horoscope sur Internet au phénomène « X-Files », de la mémoire de l’eau aux « paramédecines », de la réincarnation aux « expériences NDE », la patrie de Descartes se passionne plus que jamais pour l’irrationnel. Le progrès des sciences et des techniques s’accompagne d’un essor des pseudo-sciences et des fraudes scientifiques. Des savants renommés accréditent la téléportation et le voyage dans le temps. Des autodidactes inventifs proposent des théories « alternatives » à celles de Darwin et d’Einstein.

Loin d’être marginale, l’imposture scientifique est devenue une nouvelle norme intellectuelle. Baigné d’ondes positives, planant au-dessus des basses arguties de la raison, l’homme nouveau du xxte siècle goûtera-t-il le vrai bonheur ? Pour s’y préparer, voici l’indispensable manuel du pipeau et de la baliverne. Cet ouvrage vivant et didactique remet (totalement) à jour sa première édition, publiée en 1986. L’honnête citoyen comme l’apprenti charlatan y trouveront tous les conseils utiles, illustrés d’exemples concrets et d’anecdotes captivantes.

Le lecteur s’instruira en s’amusant, et apprendra comment départager le vrai du faux dans une culture surmédiatisée, régie par la dictature du marché et de l’audimat. Quand l’impact du message finit par l’emporter sur son contenu, le réel s’affaiblit. L’univers orwellien de 1984, où le charbon est blanc et où deux et deux font cinq, a cessé d’être une pure fiction. Contre un tel danger, la dernière arme est peut-être l’humour

Michel de Pracontal, 46 ans, est titulaire dune maîtrise de mathématiques et d’un doctorat en sciences de l’information sur la vulgarisation scientifique. Journaliste scientifique depuis vingt-deux ans (depuis 1990 au Nouvel Observateur), il est l’auteur de Les Mystères de la mémoire de l’eau (La Découverte, 1990) et de La Guerre du tabac (Fayard, 1998). » (table des matières).

Ce manuel est à placer entre le « petit cours d’autodéfense intellectuelle » de Normand Baillargeon et « gourous, sorciers et savants » de Henri Broch, deux ouvrages qui feront l’objet de chroniques futures.

On a (presque) oublié la vocation première de Louis Ferdinand Destouches plus connu sous son nom de plume L.F.Céline… un médecin occasionnel devenu homme de lettres au style révolutionnaire. L’un des premiers à faire incorporer le langage de la rue dans des romans lucides, engagés ou nihilistes. Il a su jouer sur des sonorités, il a ajouté la musique dans le roman traditionnel. L’un de ses tous premiers écrits est disponible aux éditions Gallimard collection Imaginaire : Semmelweis (préface inédite de Philippe Sollers), 1999, 128 p. Cette édition comporte une bibliographie sur Semmelweis établie par Jean-Pierre Dauphin et Henri Godard, ainsi que différents textes parus après la soutenance de la thèse de Louis Ferdinand en 1924. Dès l’écriture de sa thèse LFC affiche son style : sonore, provoquant, sans concession. Cette thèse est d’ores et déjà un objet littéraire à part entière (lors de sa soutenance Céline à 30 ans). Le sujet de cette biographie analytique : « la vie et l’oeuvre de Philippe Ignace Semmelweis (1818-1865) » est singulier à plusieurs niveaux : l’histoire d’un confrère (de LFC) « scientifique » face à une conviction dont il n’arrive pas à tirer une démonstration, l’histoire d’une opposition au conservatisme, un homme fort de ses déductions dont les paires rejettent les conséquences (un Galilée de la médecine). Dans sa thèse Céline décrit la valse macabre de la fièvre puerpérale qui  passe des salles de dissection aux salles d’accouchements. Semmelweis convaincu – sans arriver à le démontrer formellement- que le vecteur de ces infections étaient les mains souillées des étudiants qui passaient de salles mortuaires aux salles d’accouchement. Céline peint un Semmelweis comme un obstétricien maniaque, déterminé, persuadé d’être dans le vrai quand, après observation, il essaie de persuader ses confrères de se laver les mains au chlorure de chaux -une idée de l’aseptie avant l’invention du mot microbe (par Charles Sédillot en 1878, 13 ans après la mort de Semmelweis). Une biographie tragique où l’obscurantisme est un des éléments poussant Semmelweis vers la folie. Quelques décennies plus tard, Louis Pasteur connaîtra un autre sort.

Céline pendant la 2nd guerre mondialeIl est de nos jours surprenant et presque déstabilisant, de lire une thèse de médecine, de moins de 80 pages qui constitue un objet littéraire abouti, une observation scientifique et humaine, argumentée et subtile. Seul contre tous, Semmelweis a maintenu sa position. Quant à lui, Céline par la voix de Bardamu -médecin anti-héros du Voyage au bout de la nuit- donne une définition de la médecine libérale : « larbin pour les riches, voleur pour les pauvres. »

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