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Image associéeJens Harder, avec ce premier tome, Alpha… directions, propose un patchwork iconographique en bichromie supportant des visions des origines de l’Univers, de la Terre et de la Vie sur cette dernière. L’originalité de son approche iconophile, réside dans la ré-allocation de notre corpus humain artistique et scientifique sur fond d’Histoire Universelle. Son parti pris consiste à faire graviter toute chose autour de la place de l’Homme dans l’Univers. Un anthropomorphisme assumé qui tient justement au fait que c’est la convocation d’œuvres humaines invitant Magritte, Albrecht Dürer, la célèbre photographie de Watson et Crick (celle qui entérine l’oubli de Rosalind Franklin qui a eu le mauvais goût de décéder avant l’obtention du Prix Nobel…), Hokusai, Jurassic Park, Goya, Georges Méliès, les religions mono et polythéistes, les hiéroglyphes, des objets de sciences à figurer comme autant de totems pour nous guider ou nous laisser aller à nos divagations sur la recherche des origines.

Ce parti pris peut être critiquable du point de vue scientifique. L’angle scientifique n’est certainement pas le bon pour entrer dans cette œuvre extrêmement graphique et légère en mots, bien que ceux-ci soient judicieusement choisis. Ceci permet d’ailleurs de dire que l’objet que constitue ce livre tient plus de l’essai graphique caméléon à la fois scientifique, métaphysique (on pourrait oser pataphysique), ésotérique que de la bande dessinée faisant œuvre de vulgarisation ou de pédagogie. On est assez loin d’Il était une fois… la Vie! Quoi qu’il en soit, c’est ce parti pris, l’absence d’explications linéaires et souvent lénifiantes remplacées par la présence de ces vignettes, de ces images qui hantent notre culture humaine qui font que l’entreprise m’apparaît réussie. Evidemment, au passage, tout à chacun apprendra des éléments que l’on peut qualifier de scientifiques sur la cosmogonie par exemple.

 » Comme Alice, le lecteur voyage dans mes images. Cela n’a rien de scientifique. » assénait Harder en février 2014, comme s’il voulait garder son indépendance artistique face à l’Histoire, la Science qui proposent des théories pouvant être contradictoires, datées… Etre Alice, consiste ici à passer sans transition de réalité à fiction, de rêve à réalité.

Les juxtapositions graphiques sont  une invitation à prendre un trajet oblique, à la réflexion. Finalement le lecteur entre et divague plus qu’il ne comprend, il flâne dans une machine à voyager dans le temps devenue folle. Pour entrer dans cette œuvre, il faut savoir oublier son étiquette pour se laisser aller à un voyage, cet abandon promet un voyage goûtu et saugrenu dès lors que l’on adhère au style graphique d’Harder.

Cofondateur du collectif d’artiste Monogatari en 1999, Jens Harder se distingue par des œuvres ambitieuses, souvent avares en mots, mêlant cosmologie et histoire de l’humanité. Il a obtenu les Prix Max et Moritz de la meilleure bande dessinée allemande en 2004 et 2010 et le Prix de l’audace du festival d’Angoulême 2010. Ses œuvres sont publiées en français par les Éditions Actes Sud – l’An 2.

Jens Harder  s’attache à interpréter 14 milliards d’années, en à peine plus de 350 pages. Alpha…directions tente de montrer les débuts de l’univers, depuis le Big Bang jusqu’à l’apparition des premiers hominidés. Alpha…directions est le premier livre d’une trilogie en quatre volumes (et oui ! c’est amusant les triptyques en quatre parties) composant Le Grand Récit.

Ci-dessous, la couverture : peut-être la partie la moins bien interprétée du récital…

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A chaque ère son code couleur… : (ci-dessous) Michael Ange et l’évocation biblique de la création peuvent côtoyer Magritte, les pas de l’Homme sur le satellite de sa planète, et une vignette tout droit sortie du traité d’alchimie Aurora consurgens… Ce traité d’alchimie est considéré comme l’expression visuelle du mythe de la Renaissance avec la redécouverte du savoir antique. Ce traité intègre  37 aquarelles miniatures comme autant de vignettes  ayant pour intention, la transmission de ce savoir, perçu comme d’origine divine, sous forme de pictogrammes hiéroglyphiques. Cette démarche graphique permet d’échapper aux déformations de l’interprétation humaine et verbale. C’est peut-être la référence qui permet de toucher l’intention de Jens Harder: le graphisme pour s’affranchir du langage verbal.

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(ci-dessous) là encore, une icône : Dolly, associée à la fantasmagorie que porte la découverte de l’ADN support de l’hérédité, porteur des cicatrices de l’évolution et joujou pour biotechniciens.

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(ci-dessous) De l’ADN dans une cellule de paléobactéries… l’adaptation permise par la loterie des mutations provoquant des avantages sélectifs. Les heureux gagnants verront leur patrimoine génétique évoluer, les autres deviendront des culs-de-sac de l’évolution. En fonction des grandes ères, la vie se répand, disparaît quasiment, repart de plus belle… le saut dans les ères comme si vous aviez pris les montagnes russes de la diversité biologique.

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Bien évidemment l’ombre du grand Charles (Darwin, pas celui que tout bon candidat à une élection présidentielle française invoque), plane sur l’ouvrage, comme un point (ou un doigt) d’honneur face à l’opposition néo-obscurantiste cherchant à faire oublier que l’Homme est à la fois animal, poète, peintre, puissant et misérable…

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« La culture… ce qui a fait de l’homme autre chose qu’un accident de l’univers. »
André Malraux

 

ALPHA… DIRECTIONS
par Jens Harder

Traduit de l’allemand par Stéphanie Lux
352 pages en bichromie – format 19,5 x 30,5 cm
Pour adolescents et adultes
ISBN : 978-2-7427-8102-7

PVP : 39,50 €

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