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23andMe, comme Knome et Decode,  est une société californienne de biotechnologie pionnière dans la génomique personnelle. La société a été lancée en 2006 par Anne Wojcicki, Linda Avey et Paul Cusenza sur la base d’un concept marketing simple et audacieux : mettre des tests génétiques à disposition du grand public en les vendant en direct sur une plateforme internet. Aujourd’hui la PME revendique 45 employés, 20 millions de USD et une omniprésence sur le web. Le modèle de développement de 23andMe passe par une exploitation judicieuse d’un site web, leur meilleur VRP. La photo du couple ci-dessus représente Anne Wojcicki, la co-fondatrice de 23andMe et Sergey Brin le co-fondateur avec Larry Page de Google, la société maîtresse du web. Google a d’ailleurs investi près de 4 millions de dollars dans la PME de Madame dès ses débuts en mai 2007. Notez qu’à l’époque le test génétique vendu par la toute jeune société de biotechnologie coûtait 999 USD (le prix aura donc été divisé par 10 en 5 ans). Pour la petite histoire, la mère de Sergey Brin est atteinte de la maladie de Parkinson, ce qui a incité le milliardaire à réaliser un test génétique en 2006, pour découvrir qu’il était porteur de la mutation du gène LRRK2. Ceci explique son intérêt pour les tests génomiques personnels.

Début 2013, le produit coûte : 99 USD auxquels il faut ajouter 79,95 USD pour les frais de port (ces frais limitent l’accès au vieux continent à 23andMe), la note se monte donc pour un Français à 137,70 € (mi 2011, le prix était de 200 €). Il est facile dorénavant de comprendre que, les volumes des puces Illumina grimpant, la part du coût allouée aux consommables a baissé, mais que la distribution web a ses limites… la poste.

Tests génomiques ?

Le test génétique que propose 23andMe permet :

– d’estimer les facteurs de risques d’être, un jour, atteint d’une maladie à composante majoritairement génétique

– d’estimer vos aptitudes physiques et intellectuelles (en présupposant que la variabilité génétique de ces traits contribue fortement auxdits traits estimés)

– de déterminer son origine géographique, ainsi que, pour le folklore, de quel personnage célèbre dont 23andMe possède le génotype, vous vous rapprochez le plus (sur le ce point lire notre article : A la recherche du chromosome perdu : aux sources des hominidés)

– enfin, 23andMe accumule des génotypages venant alimenter une base de données associée à une population de référence et ainsi accroître l’information génomique disponible pour d’éventuelles recherches (à mener par d’autres…), tout cela financé par les clients de 23andMe… il fallait y penser et oser, c’est chose faite !

Principe ?

Contrairement à un amalgame souvent rencontré, la société californienne n’utilise que très peu le séquençage pour son produit phare. Le principe réside dans l’extraction de l’ADN contenu dans les cellules de la salive, ADN qui fera l’objet d’un génotypage haut-débit permettant de cartographier le génome du client. 23andMe ne fait que compiler les données de GWAS (Genome Wide Association Studies), les études d’association publiées et agglomérées plus ou moins subtilement. Ce type d’études consiste en l’association de profils génétiques à des phénotypes caractérisés. En outre, 23andMe exploite la connaissance des marqueurs en Déséquilibre de Liaison avec une maladie ou une aptitude, le tout en concaténant l’information scientifique publique.

Des témoignages de clients pour en convaincre de nouveaux

Depuis le début 2013, plusieurs témoignages ont été utilisés par la presse pour décrire ce que proposait 23andMe, une publicité à moindre frais.  Celui de Slate relate l’histoire de Jill Uchiyama, une personne qui a été adoptée à la naissance et qui à l’âge de 41 ans par l’intermédiaire des services proposés par 23ansMe a retrouvé quelques cousins plus ou moins proches (300 cousins) et en a rencontré un… un manière de recréer de simili-liens de sang. Un autre présent sur le site Quora.com témoigne du cas d’un père découvrant qu’il avait des risques de développer une intolérance au gluten alors que des praticiens ont perdu un temps infini à déterminer l’étiologie de la maladie cœliaque dont souffrait sa fille. Autant de témoignages de nature à convaincre de futurs clients !

Un accueil scientifique mitigé

Un premier article de Jane Kaye « The regulation of direct to consumer genetic tests » (Human Molecular Genetics, 2008), s’inquiète de la perte de contrôle des professionnels de santé, de l’évolution de la législation et de la confidentialité des données transitant par ces nouvelles sociétés de services. L’auteure appelle de ses vœux une régulation de cette « génomique récréative » où l’on peut partager sur les réseaux sociaux son potentiel génétique, ses risques de développer une maladie ou encore rechercher des « cousins » potentiels.

Deux ans après ce premier article, celui de Barbara Prainsack et Howard Wolinsky (Future Medicine, 2010) « Direct-to-consumer genome testing: opportunities for pharmacogenomics research ? » pondère le propos. Dans cet article, les auteurs ne s’inquiètent plus vraiment de l’existence d’un système divulguant des informations génomiques directement au consommateur sans passer par la case du prescripteur médical, mais s’interrogent sur les bénéfices que la recherche scientifique pourrait tirer de ces génotypages payés par les consommateurs eux-mêmes. Entrerait-on dans l’ère du libéralisme génomique ? L’article de Future Medicine développe l’aspect crowdsourcing (en français collaborat ou externalisation ouverte) en s’inquiétant légèrement tout de même d’un problème majeur : le respect de la vie privée…

Une inquiétude majeure

A une époque où des services étatiques développent des projets tels que PRISM, l’outil de surveillance du web utilisé par la NSA ou d’autres que la DGSE utiliserait, le consommateur de la génomique personnalisée pourrait et devrait s’inquiéter de la confidentialité des données génomiques le concernant. En effet, le web est le tuyau par lequel transite toutes les informations génomiques émanant des analyses de ces sociétés de service. La confidentialité des données semble être le nouveau frein au développement de ce type de marché.

Quand l’histoire d’un homme entre en collision avec l’Histoire évolutive des hominidés et de ce que Carl Linnaeus en 1758, nomma Homo sapiens, cela produit un article au titre provoquant : « L’homme qui ne descendait pas d’Adam » (Pierre Barthélémy dans son excellent blog, Passeur de Sciences, 10 mars 2013).

Tout d’abord, il semble utile de rappeler le concept d’Adam et Eve phylogénétique. Théologues rangez vos saintes écritures, il s’agit ici d’un concept scientifique et technique d’anthropogénétique. Les variations génétiques liées au chromosome Y, ainsi que celles présentes sur la mitochondrie sont utilisées pour étudier l’histoire de ces seuls fragments chromosomiques. L’Adam du chromosome Y et l’Ève mitochondriale ne sont donc que des vues de l’esprit.

Parlons donc du cas d’Albert Perry dont le chromosome Y ne ressemblait à rien de connu. Actuellement, l’Adam du chromosome Y a vécu théoriquement entre 60.000 et 140.000 ans avant maintenant (la Eve mitochondriale quant à elle, aurait théoriquement vécu entre 140.000 et 240.000 ans avant maintenant). Surprise, après étude du chromosome Y d’Albert Perry, on s’étonne d’être passé à côté de cette lignée humaine. En exhumant des bases de données dont visiblement l’analyse n’avait pas été complète, Mendez et al. ont trouvé 11 séquences issues du chromosome Y de 11 membres de la tribu des Mbo (An African American Paternal Lineage Adds an Extremely Ancient Root to the Human Y Chromosome Phylogenetic Tree, AJHG, 2013). Cette tribu est plus ou moins localisée au Nord Ouest du Cameroun, une région d’où a été déporté un grand nombre d’esclaves. Le fait d’ajouter cette lignée humaine « oubliée », l’âge de notre Adam théorique doublerait (en accord avec la théorie de la coalescence) pour être comprise entre 237-581 000 ans.

 

Carte localisant approximativement les personnes parlant le dialecte des Mbo – tirée de AJHG, Mendez et al., 2013

Le cas Perry est un exemple intéressant à plusieurs titres. En tout premier lieu, il permet de voir comment un cas particulier étudié peut avoir une incidence sur la compréhension de l’histoire humaine. En ce sens, ceci est à porter au crédit de la génomique personnelle : avec le développement des sociétés telles que 23andMe, on peut présumer que dans un avenir proche, les nouvelles données que le particulier payera afin de connaitre sa propre histoire, serviront peut être à l’ensemble de la communauté scientifique… tel que l’exemple d’Albert Perry (passé à la postérité) le suggère. Ensuite, cet exemple montre à quel point la connaissance est relative. Notre développement technologique, notre puissance de génération de données avec pour limite actuelle le temps accordé à leur analyse, laissent présager que de plus en plus vite notre connaissance sera volatile, les références changeront de plus en plus vite…

Ce petit article est aussi l’occasion de vous proposer une visite sur le très beau, très documenté blog francophone : The fossil and Mr Darwin et particulièrement de prendre le temps de lire l’article dont il est question ici : mais où est passé Adam ?

Bonne lecture !

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